Thursday 22 March 2012

La Libre Belgique March 21st 2012 - after Kurt has passed away on March 6th 2012

Ripoux et mafia : les raisons d’une condamnation disproportionnée ?
Ph. P.
Mis en ligne le 21/03/2012
Kurt De Raedemaeker s’était fourré dans un guêpier. Dont les autorités belges n’ont pas pu, ou vraiment voulu, le sortir.
Dans quel guêpier Kurt De Raedemaeker s’était-il fourré ? Difficile de croire, en effet, que l’histoire puisse se résumer à une banale - si l’on ose dire - affaire de trafic d’antiquités. Dans cette éventualité, la peine de prison à perpétuité prononcée par le juge An Jiang à Tianshui paraît disproportionnée, même si l’on prend en compte la valeur des œuvres d’art concernées. Lundi dernier, un paysan chinois qui avait dérobé neuf bijoux et autres pièces d’orfèvrerie dans la Cité interdite (l’ancien palais impérial de Pékin, transformé en musée) n’a écopé "que" de treize ans de prison.
Des scandales ont défrayé la chronique de Tianshui ces dernières années. Il serait donc possible que Kurt y ait été victime de policiers ripoux (thèse que pourraient accréditer les circonstances de son curieux "interrogatoire" en janvier 2006 - trois ans après les faits). Il est possible également qu’il ait été victime d’une mafia locale, après avoir, consciemment ou non, travaillé avec elle. A-t-il été "donné" par ses douteux partenaires en affaires, parce qu’il n’avait pas respecté les termes du "contrat" ou parce que les mafieux devaient s’acquitter d’une monnaie d’échange pour échapper eux-mêmes à des poursuites ?
Le jugement rendu à Tianshui prévoyait bizarrement à la fois une condamnation à perpétuité et l’expulsion du condamné. Celle-ci ne se matérialisa jamais. Aussi se demande-t-on si la diplomatie belge a fait tout ce qui était en son pouvoir pour l’obtenir. Au ministère des Affaires étrangères, on assure que, en plus de l’habituelle assistance consulaire, de très nombreuses démarches furent tentées au plus haut niveau : le ministre Karel De Gucht, le Premier ministre Yves Leterme et jusqu’au Palais seraient intervenus en plus d’une occasion auprès des autorités chinoises.
Des sources proches du dossier, au sein du ministère, ne sont pas aussi catégoriques. Le dossier, selon elles, n’aurait jamais été vraiment pris au sérieux. La personnalité de l’intéressé, qualifiée de fantasque, et la complexité de l’affaire auraient dissuadé l’ambassade et le ministère d’en faire trop. La volonté de préserver de bonnes relations (commerciales) avec Pékin, l’opportunisme de certains des diplomates belges concernés, auraient fait le reste.
La stratégie suivie dans cette affaire peut également être mise en cause. Quand nous avions voulu donner un retentissement à l’affaire dans les colonnes de "La Libre", à l’occasion d’une visite de Karel De Gucht en Chine à la veille des Jeux olympiques en 2008, il nous avait été recommandé par le ministère de n’en rien faire, pour ne pas compromettre les négociations en cours qui, nous disait-on, étaient sur le point de livrer des résultats. Kurt fut effectivement transféré peu après de Tianshui à Pékin, ce qui était un indéniable progrès. Mais la suite ne tint pas ses promesses, avec le dénouement que l’on sait. On peut penser que, dans les pays où l’Etat de droit n’est au mieux qu’embryonnaire, seule une médiatisation appropriée peut aider à sortir de situations inextricables. Kurt De Raedemaeker a manifestement été oublié et il l’a payé de sa vie.

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